Références : Texte intégral du journal Les Affaires, publié le 13 octobre 2015. Cliquez ici pour accéder à l’article original.
L’Organisation mondiale de la santé (OSM) estime qu’en 2020, la dépression se classera au 2e rang des incapacités au travail. Chaque année, l’impact de cette détresse psychologique coûte près de 30 milliards de dollars à l’économie canadienne. On parle ici d’un mal profond… que les entreprises doivent apprendre à gérer. Mais comment ?
Ce qui mène à la dépression
Climat de travail toxique, problèmes de dépendance, drame familial, changement d’équipe de travail : les causes de la détresse psychologique en milieu de travail sont variées.
Même une promotion – somme toute une bonne nouvelle – peut engendrer de la détresse psychologique, par exemple si la personne est aussi en instance de divorce. Elle se trouve alors dans un état vulnérable, qui lui rend plus difficile la gestion de tout stress supplémentaire lié à ses nouvelles responsabilités.
Très souvent, les facteurs à l’origine d’une dépression n’ont toutefois rien à voir avec le travail. « Mais que la cause soit personnelle ou professionnelle, il y a un impact sur l’individu et sur l’organisation dans laquelle il travaille, dit Lorraine Dauphinais, psychologue clinicienne et directrice des services de prévention et de formation en santé organisationnelle chez Solareh. On parle donc de coûts opérationnels importants liés à des baisses de performance ou à l’absentéisme… »
En tant que gestionnaire, devrait-on se mêler des problèmes personnels d’un employé ? « Absolument pas, mais si ces problèmes nuisent à la performance de l’employé de quelque manière que se soit, le gestionnaire doit intervenir pour que la personne en détresse reçoive de l’aide », ajoute Mme Dauphinais.
Détresse psychologique : le rôle du gestionnaire
« On remarque que les gestionnaires sont outillés pour gérer bien des choses, mais ils sont pris au dépourvu devant un employé qui ne va pas bien », constate la formatrice en gestion de la détresse psychologique. Des formations, elle en encadre depuis 30 ans, et elle n’a jamais reçu autant de demandes !
Or, cette ignorance des gestionnaires n’est pas sans conséquence. « Comme ils ne savent pas comment intervenir, soit ils ne font rien, soit ils en font trop et s’improvisent médecins ou psychologues, dit Lorraine Dauphinais. Dans les deux cas, c’est dangereux et inadéquat. »
En revanche, un gestionnaire conscient et habilité saura reconnaître les signes de détresse psychologique d’une personne, puis la motivera à aller chercher de l’aide et la référera à son programme d’aide aux employés s’il existe au sein de l’organisation ou à une autre ressource.
Repérer les signes d’une détresse psychologique
« La détresse psychologique se rapporte à la santé mentale comme la fièvre se rapporte aux maladies physiques, illustre Lorraine Dauphinais. C’est un signe qu’il se passe quelque chose. »
Dans les formations qu’elle donne aux gestionnaires, celle-ci leur demande surtout d’être attentifs aux changements qui se manifestent au jour le jour chez leurs employés. « Souvent, les gestionnaires soupçonnent les cas de détresse psychologique uniquement lorsqu’ils font face à une baisse de performance soudaine, dit-elle. La détresse de l’employé se manifeste alors sur le plan cognitif : de la difficulté à se concentrer, des pensées désorganisées, des erreurs à répétition… En entreprise, c’est ce qui saute d’abord aux yeux. »
La détresse psychologique s’exprime aussi sur le plan émotif (un employé irrité ou agité), sur le plan comportemental (un employé qui s’isole ou réagit agressivement) et même sur le plan physique (un gain ou une perte de poids soudaine et importante, des troubles du sommeil, etc.). C’est pourquoi le gestionnaire doit s’attarder à la personne… et non pas seulement aux résultats.
Comment réagir ?
Bien réagir à un cas de détresse psychologique requiert une foule de qualités humaines, comme l’empathie, mais aussi des outils de communication qui s’apprennent et se pratiquent lors de formations en gestion de la détresse psychologique.
« La façon de communiquer avec la personne en détresse psychologique est très importante, souligne Lorraine Dauphinais. Celle-ci ne doit pas se sentir fautive ou surveillée. Au contraire, elle doit sentir qu’on lui parle d’abord pour son bien, et non pour celui de l’organisation. Naturellement, tout gestionnaire saisit bien l’impact positif sur l’organisation si l’employé prend du mieux, mais on s’attarde d’abord à la personne. »
Cette sincérité est cruciale : le gestionnaire doit gagner la confiance de la personne en détresse. C’est ainsi qu’il pourra l’amener à consulter un professionnel et l’aider à faire un pas en avant… vers un horizon plus radieux.